Gustav Klimt – Old Burgtheater

Gustav Klimt – Old Burgtheater


Aquarelle, gouache et réhauts d’or: le plus impressionnant dessin que j’ai vu: 1888-1889 – seulement 82 par 92cm et tout le monde est reconnaissable jusqu’aux balcons (haute société viennoise de l’époque). Voilà du Grand Art!

PS: Ne me parlez pas d’Alfons Mucha, que j’adore, mais là est justement toute la différence entre peinture et illustration. Mucha en effet est plutôt illustrateur, graphiste, fait de l’art appliqué, contredisez-moi si je me trompe. Klimt est un artiste pur et dur, un coup de crayon inégalé, des peintures à l’échelle 1/1 qu’il a mis parfois jusqu’à 3 ans à réaliser. Il est de la vieille école, peintures à l’œuf, à la feuille d’or, académie de vienne. Il a été influencé par tout ce qui se faisait de son vivant, ses œuvres fourmillent de détails indiquant qu’il était bien de son temps, à l’avant-garde. Je n’ai jamais eu un tel choc que devant un VRAI tableau de Klimt en chair et en or. Une émotion digne du spectacle vivant. Il en va de même pour les Nymphéas de Monet: toute reproduction est impossible et pourtant ils le sont. Ce sont même les plus reproduits au monde avec Van Gogh! je ne comprend pas parce que justement un Klimt reproduit devient un excellent Mucha, moins graphique-déco, plus poético-lyrique. Alors qu’un vrai Klimt vous saute à la gorge, vous fixe du regard et sonde votre âme. Il n’y a AUCUNE surface homogène, aucun aplat contrairement à toutes les reproductions: un blanc, c’est toutes les couleurs réunies, un noir aussi! Il faut le voir pour le croire. (l’idée d’un mug, d’un sac, d’un calendrier ou d’un tapis de souris, même d’une affiche Klimt est ridicule).

Mucha c’est ça:

très figuratif, expressif, réaliste, une pose dynamique, du décorum bien équilibré, et des effets, la cerne noire, des couleurs justes, toujours la technique de glacis encore utilisée à l’époque. Excellent. Il est parmi les meilleurs créateurs d’images fortes, avec d’autres comme Pyle, Rackham et Rockwell ou Lautrec pour moi.

Mais Klimt c’est:

Ne pas oublier le travail préparatoire, les techniques de quadrillages et de caméra lucida, les cours d’anatomie, les modèles vivants, l’arrivée de la photographie et du cinéma, les techniques d’imprimerie etc. Klimt était bien plus âgé et réputé et donc le modèle pour Schiele et Mucha. En plus il était roi de la provocation, sans concession jamais.

J’ai détesté le film “Klimt” de Raoul Ruiz que je me suis empressé d’acheter: il est à mon sens passé complètement à côté de l’esthétique, de l’intérêt avant-gardiste et de la magie, de l’esprit espiègle et créateur que j’associe à Gustav Klimt quand je vois et lis des choses sur lui. Voilà un bon exemple de film élitiste, prétentieux, prise de tête et ennuyeux à mourir, désolé pour John Malkovitch. C’était bien essayé.

Par contre Le livre de Rainer Metzger aux éditions Hazan est un régal à dévorer quotidiennement (textes et reproductions).

Enfin, je m’emporte car il y a bien sûr ses prédécesseurs Rembrandt, Doré, Dürer, Caravage, El Greco et tous les “grands maîtres” qui portent bien leurs noms. Klimt était pour moi le dernier de la lignée. Il synthétise, il assimile et fait la charnière. Beaucoup pensent que c’est un Picasso, un Kandinsky, un Monet, un Van Gogh, un Gauguin, un Duchamp voire un Malévitch qui opèrent cette charnière vers l’abstraction et l’histoire de l’art d’après 14-18, selon l’humeur, pour moi, c’est clairement Klimt.

Je lis: “Plus de 3 000 œuvres graphiques — (dessins, aquarelles, esquisses) — nous sont parvenues. A ses débuts, Klimt exécuta de nombreux dessins adaptés aux demandes du marché: ils se caractérisaient par leur dimension historicisante ou symboliste. A la fin de sa carrière dominent en revanche des dessins qui, conçus comme des œuvres à part entière, ont pour thème l’obsession qui occupa Klimt toute sa vie: la femme, nue, enceinte, son corps intime, ses pulsions, ses pratiques auto-érotiques ou homo-érotiques. Ces dessins d’art, briseurs de tabous, faisaient paradoxalement la fierté de l’artiste alors qu’ils n’étaient connus que de cercles privés. Entre ces deux phases de création figurent les innombrables esquisses et études préparatoires que Klimt exécutait inlassablement de manière presque maniaque avant ses grandes œuvres picturales.”

J’aimerai rajouter enfin qu’il exprime aussi dans les regards toutes les facettes psychologiques humaines (époque et ville de Freud), et même des sentiments aussi différents que la fierté et la pudeur ou la fragilité et la force dans un même regard. La guerre, les maladies, bien qu’évoluant dans une société épargnée, il côtoie les prostituées et l’homme de la rue. Ses paysages sont trop peu connus mais nous avalent littéralement dans la profondeur de la perspective, tandis que les reproductions sembles plates, bidimensionnelles. La chair est crue, les veines apparentes. Les corps malaxés dans son cerveau productif d’artiste qui a hérité de ses pères et le leur rend bien.

Comme beaucoup, je trouvais que Klimt c’était chouette, sympa, un peu désuet. Je lui préférais même Schiele plus torturé, fort graphiquement proche de la jeunesse et de la folie qui passionne les foules. Maladroit. C’est récemment en allant les voir au Grand Palais il y a deux ans (je crois) que je suis tombé amoureux. J’ai vu beaucoup d’œuvres en vrai (Picasso, Kandinsky, Monet, Manet, Rembrandt, Doré, Titien, Miro, Malevitch, Chagall, les fauves, les classiques etc.): rien ne m’a autant touché que Klimt. C’était de simples expositions de tableaux magnifiques alors que Klimt est tout un monde dont il fait de nous le centre. Merci le Grand Palais. Kokochka et Moser faisaient figuration et nous aidaient à souffler un peu entre un Schiele et un Klimt.

Share Button

Laisser un commentaire

CAPTCHA * Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.